Decouverte de la très grande centrale photovoltaique de Cueilhes, Jussac
Photos et montage par Mr Vidalenc
Lu dans Le Monde, 18 Février 2012
La victoire des aigles sur les panneaux solaires
| 18.02.12 | 14h35
Trois couples d’aigles de Bonelli sont en passe d’avoir raison du plus vaste parc photovoltaïque de France. Le tribunal administratif de Marseille vient de suspendre huit permis de construire accordés à la société Voltalia qui s’apprêtait à couvrir de panneaux 172 hectares sur la commune de La Barben (Bouches-du-Rhône).
En référé, le juge administratif s’est rangé à l’analyse de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et du Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur selon lesquels ce projet industriel – même s’il porte sur de l’énergie renouvelable – est incompatible avec la directive territoriale d’aménagement des Bouches-du-Rhône sur la protection des espaces naturels et forestiers sensibles.
Ce champ de panneaux solaires doit être construit au cœur du site “Garrigues de Lançon et chaînes alentour”, classé Natura 2000 ainsi que zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Autant de protections pour des collines constituant le terrain de chasse d’aigles de Bonelli ou l’habitat de circaètes Jean-le-Blanc, pies-grièches à tête rousse et autres engoulevents d’Europe. Les aigles de Bonelli font l’objet d’un plan national d’action afin de préserver cette espèce dont il ne demeure que trente et un couples en France dont quatorze dans les Bouches-du-Rhône, notamment dans les calanques de Marseille.
Voltalia invoquait “l’urgence sociétale à limiter les émissions de dioxyde de carbone et à assurer l’indépendance énergétique”, ainsi que les objectifs du protocole de Kyoto. Le juge rétorque que cette “urgence sociétale n’est pas de nature à faire échec à l’urgence qui peut s’attacher à la prévention des dégâts susceptibles d’être immédiatement causés à un espace naturel dont la richesse” est avérée.
Jurisprudence
Fortes de cette victoire juridique, les associations n’ont pas débouché le champagne. “C’est pour nous une déchirure d’avoir eu à faire un recours contre un projet de production d’énergie renouvelable, alors qu’habituellement nous les encourageons, observe Benjamin Kabouche, directeur de la LPO-PACA. Mais ni nos arguments naturalistes ni notre recours gracieux n’avaient trouvé d’écho.”
Il y a un mois, la garrigue giboyeuse de La Barben, où les aigles de Bonelli abandonnent leurs petits à leur vie d’adulte a été arasée et désherbée. La protection de ce rapace commençait à porter ses fruits, avec un couple supplémentaire par an depuis 2008. Jean-Claude Tempier, administrateur du Conservatoire d’espaces naturels, souhaite que cette jurisprudence débouche sur une meilleure concertation pour cesser de “faire n’importe quoi”. A La Barben où le projet devait occuper 8 % de sa superficie, la commune avait déjà touché 100 000 euros à la signature et en attendait un loyer annuel de 690 000 euros.
Luc Leroux (Marseille, correspondant)
Article paru dans l’édition du 19.02.12